Dans la champignonnière de Voreppe

Champignonniere de Voreppe

Pour cette deuxième équipée à travers ses secrets de cuisine, nous avons suivi le chef des Terrasses d’Uriage jusqu’au fond de la Terre, dans les anciennes caves d’extraction de la molasse à Voreppe. Ici, au pied des falaises, emmitouflée dans la végétation luxuriante, une champignonnière fait le bonheur des gourmets avertis. Avec beaucoup d’amour, on y cultive bien sûr le champignon de Paris, mais aussi le Pleurote et le Shiitake, deux autres joyaux de la cuisine de Christophe Aribert.


Dans les salles récemment ensemencées, les tout jeunes champignons émergent en grappes grêles à la surface du substrat. Ils ont l’air de boutons nacrés. Encore quelques jours et ils seront prêts pour la cueillette.

Entre le moment où Michel Grimbert fertilise son fumier de cheval avec les filaments de mycélium, c’est-à-dire la partie souterraine du champignon, et les premières récoltes, il s’écoule près de deux mois. Une élaboration lente, surveillée par des appareils de mesure d’air installés dans chaque pièce, et surtout couvée jour après jour avec une attention toute parentale : le champignon de Paris n’est-il d’ailleurs pas aussi appelé « champignon de couche » ?

Une disponibilité totale

Michel et Annie Grimbert jardinent leurs grottes aménagées depuis près de trente ans : une affaire familiale démarrée dès le début des années 1930 et restée comme à l’abri du temps. Pour Christophe Aribert, cette champignonnière est un trésor caché : « J’ai fait tous les marchés de la région avant de trouver ces pépites. Ma cuisine exige le meilleur de chacun des ingrédients utilisés. Michel et Annie sont de véritables artisans du goût, toujours là pour m’approvisionner, à tout instant.

Ils préparent avec un soin remarquable le berceau des champignons, surveillent leur poussée au quotidien et les récoltent au meilleur moment, quand le champignon est gorgé de toutes ses saveurs ».

Les champignons ici sont cueillis un par un à la main et conditionnés sans délai. L’idéal est de les consommer le jour même. « Celui que l’on retrouve généralement sur les étals des épiceries a déjà fait l’objet d’un stockage de plusieurs jours, et sa saveur n’est plus la même : il a perdu une partie plus ou moins importante de ses qualités gustatives et même son aspect n’est pas aussi blanc », fait remarquer Annie Grimbert.

Du rose au blond

Si elle est plus fastidieuse, la cueillette manuelle permet de ne récolter que les exemplaires prêts à la consommation. Ce petit goût de terre parfois tenace qu’on retrouve dans les champignons vendus dans les épiceries classiques n’existe pas ici et les lamelles arborent une jolie couleur rose. Pour garantir à leur production toute son intégrité gastronomique, Michel et Annie ne pratiquent d’ailleurs que la vente directe, ici à Voreppe ou sur les marché bio de Hoche et de Voiron.

Se déplacer loin pour écouler leurs champignons n’est pas une opération rentable non plus : l’agaric de Voreppe ne se dévoilera jamais qu’à un cercle très fermé de gourmets. Deux variétés de champignons de Paris poussent dans les entrailles calcaires de la Chartreuse. Le classique petit blanc, aux saveurs subtiles et boisées, serait en fait issu d’un croisement de plusieurs souches. L’autre, la merveille méconnue, c’est la variété blonde, au chapeau recouvert de fines squames dorées : « Celui-ci est issu de vieilles souches, c’est le vrai champignon de Paris, au goût incomparable, plus complexe et incroyablement long en bouche », s’enthousiasme Christophe Aribert en lardant un exemplaire frais d’un coup d’opinel. Sa chair, plus croquante que celle du blanc, fait le bonheur des connaisseurs.

Mais c’est aussi une variété plus exigeante : beaucoup moins prolifique, le champignon blond réclame aussi des températures plus basses et fait donc chambre à part.

L’avenir de la filière

La champignonnière de la famille Grimbert a résisté à la concurrence de l’Europe de l’Est et de l’Asie. Car là-bas aussi, on s’est mis à faire pousser le petit blanc à moindre coût, dans des hangars réfrigérés. Une technique certes plus productive mais du coup aussi moins qualitative, qui a poussé bon nombre d’exploitants français à abandonner la culture en anciennes carrières. Voreppe serait ainsi l’un des derniers bastions d’une tradition en péril : « Je ne pourrais pas me passer de ce champignon, cultivé dans ces conditions artisanales-là, qui lui confèrent une texture ferme et une vraie personnalité », implore Christophe Aribert.

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